L'Ouroboros, 2024.
Garder les yeux dans le vague. Un fantôme à peau humaine. Elle repense à ces rêves qui s’imposent à elle et où elle n’est plus maîtresse de son corps. Son esprit est suspendu dans une enveloppe de chair et elle se voit, se sent léviter dans les aires. Ses bras sont animés de mouvements dont elle n’a aucun contrôle, pareil à ceux des ballerines. Parfois légers, souvent brusques. Les yeux brumeux elle flotte au-dessus d’un lit, se sent valdinguer contre un mur, une fois, deux fois, entend une voix familière lorsqu’elle flotte près de la fenêtre. Ne fais pas de bêtise N.. lui lance J.. d’un ton presque taquin. Elle est tiraillée entre la peur de ne rien maîtriser, la plénitude d’un lâcher prise sur son être, et la curiosité de voir jusqu’où ce qui la contrôle peut aller. Elle espère souvent connaître à nouveau les sensations étranges qui l’envahissent lors de ces songes. Entre la terreur et l’extase. Mais ces rêves sont rares et précieux.
Elle éteint la lampe et s’allonge sur le divan. Elle garde le carnet à la main, plongée dans l'obscurité et le silence. Inspir. Expire. Sa respiration lui semble plus profonde, plus lisse. Plus libre. Inspir. Expire. Le carnet lui laisse la sensation d’une peau contre la sienne. Elle jurerait percevoir le bruit du vent dans les feuilles d’or au loin, entendre glisser le ventre de l’Ouroboros sur une terre noire et sablonneuse, bercée par ces sensations réelles et imaginées.